mercredi 27 novembre
Dans une dépêche du 15 novembre 2019, l’Agence de Presse sénégalaise (APS) fait état de la réhabilitation de la route Ouarack-Dahra. Longue de 62,5 kilomètres, cette route sera réhabilitée avec un montant global de 23 milliards 292 millions de F.CFA, dont 22 milliards de F.CFA de la BOAD (soit 94%) et 1 milliard 292 millions de F.CFA de l’Etat (soit 6%). C’est ce qu’a indiqué M. Amadou Hott, Ministre des Finances et du Budget, qui a signé la Convention avec le Président de ladite Banque, M. Christian Adovelande.
Selon le communiqué transmis à l’APS, « La zone d’influence immédiate du projet est dans une situation d’enclavement à cause de l’état de dégradation avancée de la route Ouarack-Dahra. Une situation qui handicape fortement le sous-secteur du transport routier, l’approvisionnement en produits agricoles et l’exportation du bétail ». Le communiqué ajoute que la réalisation du projet favorisera, entre autres, « la réduction des coûts de transport ; le développement des activités économiques ; l’amélioration des conditions de vie des populations par la création d’emplois et une meilleure accessibilité aux centres de santé, surtout en période hivernale ». Le communiqué poursuit : « la réhabilitation de la route Ouarack-Dahra contribue à l’atteinte de cet objectif national de développement et permettra l’essor économique d’une zone à très fort potentiel de production agricole et de produits d’élevage, en cohérence avec le Plan Sénégal émergent (PSE) ».
Donc, la convention signée par le Ministre Hott et le président de la BOAD concerne la réhabilitation de la seule route Ouarack-Dahra. Or, dans un communiqué de presse qui date de l’année 2016 si mes souvenirs sont exacts, le programme de réhabilitation concernait la route Touba-Dahra, Ndoyène-Ouarack et Louga-Dahra. Touba-Dahra est déjà faite, et bien faite selon les usagers. Normal, puisque la route part de Touba la sainte et est empruntée pratiquement tous les week-ends par le grand Ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye. Ndoyène-Ouarack a démarré aussitôt après la visite du candidat Macky Sall à Guet Ardo, pendant la dernière campagne électorale. Normal, puisque le khalife de Cheikh Adjouma Ka le lui a demandé. Normal aussi puisque la route relie Ouarack à Darou Mouhty de Mame Thierno Birahim Mbacké. Louga-Dahra n’a pas cette chance. Les villages qu’elle dessert n’ont pas d’élus à la hauteur de leur mission, ni de chefs religieux qui s’impliquent dans la politique. Les responsables de l’Algéroute savent peut-être aussi que les populations concernées, à l’image de celles de Koki, ne manifestent jamais pour défendre leurs intérêts. En outre, les responsables politiques de Louga, qui sont pourtant au cœur de la Coalition Bennoo Bokk Yaakar, ne semblent pas concernés par la réhabilitation de la route Louga-Dahra qu’ils empruntent très rarement, leur centre d’intérêt se trouvant du côté de Dakar. C’est cette route qui était bien au programme de réhabilitation et non Ouarack-Darah. Elle est bien en place dans le « Portrait des marchés publics » du Sénégal. On y lit notamment, en détail :
C_AGÉROUTE_032, supervision des travaux de réhabilitation Louga-Darah (87 km) ;
prestations Intellectuels / consultants ;
appel public à manifestation d’intérêt ;
date : 15/02/2016 à 13/06/2016.
On peut se reporter aussi aux « ÉTUDES THECNIQUES D’EXÉCUTION ET ÉLABORATION D’UN DAO POUR LES TRAVAUX DE RÉHABILITATION DES TRONCONS DAHRA-LOUGA (R31/D309 SUR 87 KM) », avec « ÉTUDE D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET SOCIAL », dont le rapport final datant de JUIN 2014 a été signé par M. Ibrahima Ndiaye, alors Directeur général de l’AGÉROUTE, si mes souvenirs sont exacts (SÉNÉWEB, 18 JANVIER 2019). Dans le cadre de ces Études techniques, on peut s’arrêter sur le RÉSUMÉ NON TECHNIQUE n° 1, dont le premier point, « Contexte et description du projet » a été ainsi résumé : « La stratégie développée par le Gouvernement du Sénégal dans le cadre de la lettre de politique sectorielle des transports est de développer et d’améliorer la qualité de son réseau routier principal et particulièrement les routes à caractère intégrateur. Le niveau de dégradation avancé du tronçon routier Louga-Dahra est à l’origine de nombreux désagréments et d’une rupture du confort sur une bonne partie de cette voie. Cette situation a été responsable de la baisse de trafic au courant de ces dernières années avec de nombreux préjudices aux populations qui éprouvent de réelles difficultés dans leurs déplacements. Ainsi, le projet de réhabilitation envisagé sur ce tronçon routier devrait aider à assurer un meilleur niveau de service et contribuer à la baisse du coût d’usage des utilisateurs actuels et potentiels. C’est dans ce cadre qu’il est envisagé la réalisation des études techniques d’exécution et d’élaboration d’un dossier d’appel d’offres qui permettront la réalisation des travaux de réhabilitation et de renforcement de l’axe routier Louga – Dahra long de 87km qui se décompose en « Louga-Ouarack » (32 km) et Ouarack – Dahra (65 km). La présente étude d’impacts vise à identifier et à évaluer les effets et impacts liés aux travaux de réhabilitation et de proposer des mesures d’atténuation et de gestion capables de juguler les effets négatifs du projet tout en bonifiant les effets positifs (…). »
Louga-Dahra était donc bel et bien dans le programme de réhabilitation. Un appel d’offres a été même lancé. Le voici : « Dossier d’Appel d’Offres national pour les travaux de réhabilitation de la route Louga-Dahra(R80) d’environ 87 km » N°D /1383 /A3″. Dans le même document, il est précisé : « Cet Avis d’appel d’offres national fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés de l’AGÉROUTE paru dans le journal du 20 décembre 2018 ». L’Appel d’offres a été signé par M. Ibrahima Ndiaye.
Pour en terminer avec cette route Louga-Dahra dont il m’est difficile de comprendre l’exclusion du programme de réhabilitation lancé dans le communiqué du 14 novembre 2019, je propose aux lecteurs quelques complaintes de chauffeurs qui empruntent cette route :
« Le trafic routier entre Dahra et Louga est au ralenti depuis plusieurs années à cause d’une route impraticable. Longue de 80 km, la route est dans un état de délabrement trop avancé. Les usagers qui empruntent ce trajet vivent un véritable calvaire.
En effet, plusieurs automobilistes préfèrent abandonner le goudron pour emprunter les pistes érigées par les charrettes pour arriver à destination. Tous les véhicules qui passent quotidiennement sur ce trajet sont en mauvais état à cause des nids de poules qui dictent leur loi sur la chaussée. Un souci majeur pour les usagers de la route.
Pour le président du regroupement des chauffeurs et transporteurs de la gare routière de Dahra, Eladji Baba Diaw, le faible taux de fréquentation de l’axe routier Louga- Dahra s’explique par le fait que la route est cahoteuse et les chauffeurs, pour préserver l’état de leurs véhicules empruntent d’autres trajets beaucoup plus praticables. « Les automobilistes mettent 03 heures de temps pour rallier ces deux villes ; c’est vraiment difficile, les populations du Ndiambour et du Djoloff demandent aux autorités étatiques la réhabilitation de ce tronçon », plaide-t-il. Joint au téléphone, le président de la gare routière de Louga Ousmane Sall déplore le manque de volonté des autorités. « Chaque fois, on nous promet que la réhabilitation des routes entre Dahra-Louga est inscrite dans le nouveau budget mais en vain. Pour aller à Dahra, beaucoup de chauffeurs sont obligés de passer par Kébémer, c’est vraiment dur pour le transport, nous ne voulons plus le rafistolage, on veut une route toute neuve », a revendiqué M. Sall.
Omar Ndiaye, chauffeur d’un véhicule de transport « 7 places » qui emprunte régulièrement ce trajet, confie : « après chaque voyage, j’amène mon véhicule chez le mécanicien pour réparer quelque chose. La carrosserie, les organes sont tous en mauvais état ; la poussière a complètement changé la peinture de mon véhicule. On s’en sort difficilement, mon véhicule tombe souvent en panne, il faut que l’Etat nous aide pour la réhabilitation de cette route sinon nous allons tout bonnement garer nos véhicules ».
La route Dahra-Louga est aussi un endroit accidentogène selon des sources proches des forces de sécurité que nous avons interpellées. Plusieurs cas d’accidents qui se sont produits sur cet axe routier sont dus au dérapage suivi de renversement des véhicules. Les usagers de cette route rappellent au chef de l’Etat Macky Sall le respect de sa promesse électorale. Il faut rappeler que lors de sa récente tournée économique, le président de la République avait annoncé la réhabilitation prochaine des routes Dahra- Louga et Warack Ndoyéne. » (sanslimitesn.com, 18 janvier 2019).
Ces complaintes qui en disent long sur l’état de la route Louga-Dahra ne datant que du 19 janvier 2019, qu’on ne me rétorque surtout pas qu’elle a été déjà réhabilitée. Comme toutes les mauvaises routes du pays, elle est périodiquement réfectionnée à coût de millions, dont on se demande parfois où ils sont passés. Jusqu’à preuve du contraire, elle devrait être en bonne place dans la convention signée le 15 novembre 2019, par le Ministre des Finances et du Budget et le Président de la BOAD. Les populations qui habitent tout au long de cette route sont des citoyens à part. Elles méritent considération et respect, même si elles passent pour être particulièrement « paisibles ».
Mody NIANG, ressortissant de KOKI
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