mercredi 27 novembre
Depuis 2005, Mamadou Lamine Gueye dirige Caurie-MF, une institution de microfinance de l’Église catholique sénégalaise. Portrait d’un défenseur du dialogue islamo-chrétien.
« Toutes les actions que nous posons sont ancrées dans la doctrine sociale de l’Église qui ne fait aucune forme de discrimination basée sur la religion, la race ou l’ethnie », affirme avec conviction Mamadou lamine Gueye.
Sur l’étagère centrale de la bibliothèque de ce responsable musulman d’une institution de microfinance catholique, se trouve, mis en évidence, le Compendium du catéchisme de l’Église catholique.
Mamadou Lamine Gueye est le directeur général de la Coopérative autonome pour le renforcement des initiatives économiques par la microfinance (Caurie-MF) dont le siège se trouve à Thiès, à 70 km à l’est de Dakar. Cette institution de microfinance a été fondée en 2005 par la Caritas sénégalaise, en collaboration avec la Catholic Relief Service (CRS), une association humanitaire catholique américaine membre de Caritas Internationalis.
La structure de microfinance octroie des prêts à des femmes pauvres entrepreneurs pour leur permettre de lancer des activités génératrices de revenus. Depuis sa fondation, Caurie-MF a financé les activités de plus de 90 000 femmes sénégalaises défavorisées.
« Un modèle vivant du dialogue islamo-chrétien »
Musulman pratiquant, le financier s’amuse de l’étonnement qu’il provoque en parlant de la religion catholique. « La doctrine sociale de l’Église promeut des valeurs d’équité, de respect de la dignité humaine que je me suis moi-même appropriées, soutient-il. Caurie-MF est un modèle vivant de dialogue islamo-chrétien, j’en suis la preuve. »
Mamadou Lamine ne voit aucune contradiction entre sa foi musulmane et son poste de responsable d’un établissement catholique. Il y a quelques jours, à l’instar de millions de musulmans sénégalais, il s’est rendu au Magal de Touba, une grande rencontre des musulmans de la confrérie mourid, fondée au XXe siècle par Cheikh Ahmadou Mamba.
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Héraut de la tolérance religieuse, le quinquagénaire raconte une histoire qui l’a profondément marqué. « J’ai été un jour invité à la table des évêques sénégalais, commence-t-il. Il y avait de la viande de porc à table mais je ne m’en doutais pas. Quand je me suis servi, le cardinal Théodore Adrien Sarr s’est empressé de me dire que c’était du porc et qu’il y avait du poulet spécialement préparé pour moi. Mieux, il a demandé qu’on change mon assiette car la sauce préparée avec la viande de porc l’avait touché. » Gueye marque un moment de silence avant de poursuivre. « Cela m’a beaucoup ému. C’était déjà un privilège pour moi d’être reçu par les autorités de l’Église. Cette marque de respect supplémentaire m’a énormément touché car dans tous les cas, par respect, j’aurais mangé ce qu’on m’avait servi fut-ce du porc. »
De tels moments de partage, Mamadou Lamine aime les raconter à ceux qui ne comprennent son engagement auprès de l’Église sénégalaise. « Ceux sont des oiseaux de mauvais augure qui tentent d’opposer musulmans et chrétiens mais au fond, nous prônons tous la même chose : le respect de la dignité humaine. »
Lucie Sarr (à Thiès)
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